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Sportif hors normes

Ayrton Senna est l’un des pilotes les plus talentueux de l’histoire. Il était capable de maintenir sa monoplace à la limite sur le moindre mètre, le moindre vibreur d’un circuit. Là où d’autres pilotes pouvaient faire chuter leurs temps d’un dixième de seconde, Senna parvenait à en prendre cinq. En 1988, sur le circuit technique de Monaco, il pulvérise la concurrence et termine son tour de qualification 1 seconde et demie plus vite que son coéquipier Alain Prost. Il révèlera plus tard avoir atteint là ses limites, l’état de grâce. Un moment de pilotage unique, qu’un pilote n’éprouve qu’une fois. Son slalom entre le rocher et le port, entre les rails et les vibreurs lui ouvraient les portes de la légende et lui accordait le respect éternel de la profession.

Senna jouait avec des monoplace qui apparaissent aujourd’hui monstrueuses. Leurs 1200 chevaux, leurs turbos, leurs boîtes de vitesses manuelles transformaient chaque tour de piste en défi physique, mobilisant l’extrême réactivité du cerveau de leurs pilotes. Senna excellait. Il trouvait les secondes, la motricité sur le sec comme sur le mouillé.

Senna régnait en maître dans l’adversité. Sa science du dépassement lui permet de se positionner en piste de telle sorte que ses adversaires n’aient d’autres choix que de le laisser filer où de provoquer l’accident. Senna était un adversaire rude, sans pitié, irrémédiablement attiré par la moindre progression, la moindre seconde, le moindre dépassement. Voracité de vaincre, détermination à conserver ses acquis.

1990, Grand Prix du Japon. Senna joue la victoire au championnat. Pour emporter la couronne, Prost, l’anti-héros de Senna, doit abandonner. Premier virage, Ayrton applique sa technique et harponne le pilote français. Senna est champion du Monde.

Sa rivalité avec Prost fut intense et le moteur de ses performances. Les deux pilotes, longtemps coéquipiers se haïssaient cordialement sur la piste, les performances de l’un alimentant la détermination de l’autre. Deux carrières, une seule guerre et une tranche de l’histoire de la F1.

Capable de tout pour gagner, Senna pouvait faire preuve d’un grand sens humain. Il dépensait sans compter pour aider les jeunes défavorisés de son pays.

En 1992, Eric Comas part à la faute au sommet du raidillon à Spa. Sa monoplace est démembrée et le pilote est inconscient. Senna arrive sur les lieux, évite les débris, range sa monoplace dans l’herbe et court à travers la piste au mépris de toute consigne de sécurité pour couper le moteur du français et éviter l’incendie.

A cette époque, il était d’ailleurs particulièrement préoccupé par les questions de sécurité. L’accident de Barrichelo et la mort de Roland Ratzenberger à Imola, le weekend de sa dernière pole l’avaient bouleversé. Il tentait encore, le matin de son tragique accident, de mobiliser d’autres pilotes en vue de faire pression sur les instances sportives.