Nous arrivons à toute vitesse sur une succession de virages. Le chauffeur ralentit énergiquement, au point de m’envoyer la tête la première dans le bar ! Il est malheureusement encore un peu tôt pour cela… Première courbe, je vois les bras du chauffeur effectuer des moulinets, l‘avant commence à virer, puis a giter de plus en plus, accompagné par l’arrière maintenant. Le roulis est impressionnant, je m’accroche à mon accoudoir. Je jette un coup d’œil derrière moi, la Maybach suit sans effort apparent, son chauffeur a l’air détendu.
Deuxième virage, vers la gauche cette fois. Le roulis revient, les pneus manifestent leur désaccord par des crissements dignes des séries américaines des années 70. Le troisième virage se resserre encore plus, j’ai l’impression qu’on ne passera pas. Voilà donc l’explication du confort de tout à l’heure : l’extrême souplesse des suspensions, capables d’absorber les pires pavés belges, se solde par une certaine prise de roulis en virage. Les pneus à profil haut, les réputés Michelin XWX encore disponibles à Clermont-Ferrand, doivent eux aussi contribuer au confort de par leur profil haut, du 70.
Nous gagnons la ville, et ralentissons l’allure. Nos deux limousines glissent majestueusement, leur longue silhouette se reflétant dans les vitrines des magasins. Les passants nous fixent sans aucune pudeur. Il est vrai que ces autos ne sont pas particulièrement discrètes. Nous arrivons sur un rond-point. La Maybach s’engage en premier. Exactement comme il le ferait à bord d’un poids lourd, le chauffeur calcule large, autant à l’entrée qu’à la sortie, ce qui surprendra un autre automobiliste ayant la mauvaise habitude de se glisser dans le moindre espace disponible et qui cherchait à nous doubler par le flanc gauche. La Pullman s’engage à son tour, j’ai l’impression que nous manœuvrons le Normandie à quai !
Mais pourquoi me préoccuper de ces souçis matériels au lieu de savourer le confort et l’oisiveté offerts par la 600? Pour une fois que je n’ai pas à prendre le volant ! J’admire les détails de la finition, qui ne laisse pas une centimètre de tôle apparente; tout est gainé de cuir, de chrome ou plaqué d’Ebène de Macassar, qui est bien plus rare et élégant que le noyer. Je ne me lasse pas de jouer avec les différentes commandes, dont le fonctionnement hydraulique, unique au monde, donne un raffinement soyeux à leur action, ce qui renforce cette impression de sophistication. J’ouvre le bar, dommage, il est vide, mais les carafons sont jolis. J’essaye de capter quelque chose sur la radio Becker Grand Prix d’époque, sans succès. Dommage que Catherine Deneuve ne m'ait pas accompagné... la 600 lui allait si bien.
Le soleil se couche bientôt, nous devons rentrer. Je laisse le photographe profiter du luxe arrière de la Maybach, et je reprends le volant de notre break E 500. Je n’avais jamais remarqué comment l’habitacle est petit et austère…
Charles Paxson
V12 GT
L'émotion automobile
Photographe : Ghislain Balemboy
Un grand merci à l'Atelier 600, qui a accepté de nous confier cette magnifique 600 Pullman.