Après quelques minutes de chauffe, je passe la première, nous traversons la ville. L’effet sur les passants est saisissant, est-ce la ligne, ou les grondements du moteur ? Tout le monde se retourne, jeunes et moins jeunes.
Nous atteignons la route nationale, je vais pouvoir m’amuser un peu. J’accélère fort : le bruit d’aspiration de la rangée de Weber est fabuleux ! Les rapports claquent dans la grille de sélection et passent sans difficulté, je me fait plaisir.
Une succession de virages : je me lance, rétrogradage rapide, j’appuie fort sur la pédale de feins, la 450S ralentit mollement. Je l’inscrit dans la courbe : la direction est lourde et nécessite des mouvements de grande amplitude. Heureusement que le couple du moteur lui permet de s’extirper du virage en légère dérive. Le deuxième virage arrive vite, les freins sont vraiment un peu justes. Je donne un coup de volant énergique, la direction fait plus Isotta Fraschini que barquette Stanguelini ! J’ai compris au troisième virage : il ne faut pas rentrer trop vite, mais pour cela, il faut des freins, hors ceux-ci sont toujours aussi peu puissants.
Enfin, une belle ligne droite : je lâche les chevaux, troisième à 6 500 tours, le V8 rugit, les échappements latéraux doivent s’entendre à des kilomètres ! Pourtant, je ne m’en lasse pas. Quel plaisir de sentir la puissance vous plaquer le dos de cette façon ! Ceux qui clament haut et fort que la vitesse est dépassée doivent absolument faire quelques kilomètres au volant d’une telle barquette. Un vrai bonheur. Ce moteur est en pleine santé, bourré de couple dès 2 000 tours, sans s’essouffler à haut régime. Quatrième, puis cinquième. Je jette un coup d’œil au compte tours et j’essaye d’estimer ma vitesse : holà, il est temps de lever le pied !
Je continue ma route à vitesse plus raisonnable, en profitant du rayon de soleil qui filtre à travers le feuillage. La suspension est sèche, mais la rigidité du châssis et l’amortissement énergique compensent en partie. Par contre le rembourrage du siège est inexistant, un massage au Spa de l’hôtel sera le bienvenu ce soir.
Une odeur curieuse vient me chatouiller les narines : cela me fait penser à du caoutchouc, mais il y a autre chose… Je jette un coup d'œil à la la jauge de température d’eau, puis celle de l’huile : tout va bien. Mon regard se promène dans l’habitacle ; pas de fumée suspecte.
Je sens juste des bouffées d’air chaud, en provenance du compartiment moteur, tourbillonner par dessus le saute-vent jusque dans l'habitacle. Malgré la température ambiante, il y fait chaud, très chaud. Mon passager me fait un signe, je n’arrive pas à comprendre ce qu’il essaye de me faire entendre. Il me montre ses pieds. Mois aussi, j’ai chaud aux pieds. Je rétrograde, et je me rends compte à ce moment que les semelles de mes baskets sont collantes, en particulier celle de gauche. Je m’arrête : elles sont en train de fondre ! Je touche le plancher de mes doigts : il est brûlant. Il est vrai que les collecteurs passent juste dessous…
Quelle auto, quels pilotes, quelle époque ! Je ne peut que rester admiratif de Fangio et de ses confrères, qui étaient capables d’abattre des milliers de kilomètres au volant de tels engins.
Charles Paxson
V12 GT
L'émotion automobile
Photographe : Ghislain Balemboy
Nous tenons tout particulièrement à remercier chaleureusement les Automobiles Vanderveken à Bruxelles pour la mise à disposition de cette Maserati 450 S.