C’est avec beaucoup de respect que j’enfonce la serrure de porte. Une poignée chromée aussi fine que sophistiquée s’en dégage. Effet d’annonce plus qu’efficace !
La large échancrure de la portière dans l’aile me permet de me glisser sans mal derrière le volant. Jambes allongées, le buste parfaitement incliné, j’insère la clef dans le barillet, sous le volant, et presse le minuscule bouton poussoir blanc, en même temps que mon 46 embrasse la pédale de droite. Le V8 s’ébroue immédiatement. Les deux sorties d’échappement chromées sonnent, telles les trompettes de la renommée, d’une tonalité chaude et un brin étouffée.
Installé dans mon duveteux fauteuil de cuir, les cheveux jouxtant le plafond, je prends les marques du bloc compteur. Typé fifties, il n’est constitué que d’un tachymètre et d’un compte-tours. La 507, trop sûre de sa fiabilité délaisse l’instrumentation mécanique...
Une fois imprégné de l’ambiance classieuse de l’époque où naissait le Rock’n Roll, j’empoigne, non, j’effleure la délicate jante du volant signé Enrico Nardi. J’emmène la pédale d’embrayage au plancher et me tourne vers le levier de vitesse. Le pouce au sud et l’index au nord de ce délicat macaron, je laisse mes autres doigts s’enrouler autour de la mince tige d’acier issue du tunnel de boîte.
L’immobilité de la 507 succombe à l’élan de velours provoqué par la mécanique BMW. Son V8 tout alu, donné pour 3168 cc, suffit à télescoper les pierrailles de notre parking. Lors de sa restauration, le V8 notre 507 a été soigné dans les détails et affiche à peu près 180 canassons, attelés à une optionnelle boîte 5. De quoi faire oublier la relative paresse des 150 poneys livrés à l’origine. Ce V8 est étonnant, il ronronne paisiblement à bas régime et incite à une douce mise en température. Les oreilles flattées par le gargouillis du ventre d’alu de la 507, j’ouvre les fenêtres, malgré le froid, pour en saisir la moindre vocalise. A mesure que les larges chiffres du compte tours sont survolés par la frêle aiguille, le V8 se fait alerte et vif. Il pousse avec dignité et constance en baignant l’habitacle de merveilleux borborygmes, d’une sonorité rauque et enthousiasmante.
Pour manœuvrer cet orchestre je dispose d’une baguette, celle qui me tombe sous la main droite. Ses mouvements sont rapides, amples mais précis, agrémentés d’une robuste sensation mécanique. On se surprend à en user jusqu’à l’excès pour faire chanter les deux carburateurs trônant au sommet du V8.
Sur le parcours étroit, sinueux et bosselé de notre essai, cette 507 s’est révélée étonnante, reléguant des roadsters bien plus modernes au rang de char à bœufs. Le plaisant cerceau de bois crispe mes bras lors des manœuvre mais régale mes sens lorsque la vitesse reprend ses droits. Directe, précise et souple malgré les jantes Rudge, elle offre d’étreindre un remarquable châssis. Nonobstant la présence d’un pont arrière rigide, les 1330 kg de l’engin affrontent les grimaces de la route dans un confort consistant. D’un équilibre intuitif, la 507 se laisse mener et se joue des virages grâce au train avant, autant qu’au très efficace autobloquant. Et pour ne rien gâcher, la pédale du centre, d’une ferme souplesse, freine la BMW avec vigueur.
La BMW 507 fait partie de ces véhicules qui exercent sur vous un charme irrépressible. Loin d’être outrageusement spectaculaire, elle sollicite l’intellect pour en apprécier chaque détail, pour mesurer avec quelle habileté elle mue le moindre mètre en une balade onirique. La 507 s’immisce subrepticement dans votre esprit, au plus profond de vos sens pour vous séduire, définitivement.
Ces deux 507 sont propriétés du même homme de goût, illustrant au besoin, et malgré l’investissement conséquent, la délectable et insidieuse addiction que provoque ce roadster. Ayant succombé aux charmes de la première série, le propriétaire tient à se défaire de 70048. Alors si vous vous pâmez à la vue de la BMW, contactez de notre part le charmant Michaël Decker qui se fera une joie de jouer à l’entremetteur.
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Julien Libioul
V12 GT
L'émotion Automobile
Photos Jacques Letihon