Je m’engage sur la piste avec prudence, avec une nervosité certaine, je l’avoue… car la surface est mouillée !
620 chevaux par les seules roues arrière, sur un piste rendue glissante par une ondée matinale (on est en Normandie…). Je prends mon courage à deux mains et j’y vais. Seconde, je m’applique à ré-accélérer doucement, troisième...
Mon premier tour est catastrophique : tétanisé par la crainte de sortir de la piste, j’ai eu l’impression de conduire comme un débutant, en hoquetant à bas régime, me laissant emmener par la voiture, sans en prendre le contrôle.
Or s’il y a une voiture qui doit être pilotée énergiquement, c’est bien la 911 ! Il me faudrait un petit verre de Dubonnet, ou même deux, comme sur ces publicités des années 30, où l’on vantait les mérites de l’alcool avant de reprendre la route.
Deuxième tour, je fais preuve de plus d’audace, en freinant plus fort, de manière à plaquer l’avant plus énergiquement en entrée de courbe, comme pour les 911 Classic. Peu après le point de corde, je ré-accélère progressivement. Un peu tôt, car dès 3 500 tours, le couple démoniaque déclenche un survirage immédiat et brutal. Le PSM, que je n’ai pas osé débrancher, se déclenche immédiatement, mais on sent bien qu’il a toute la peine du monde à maintenir l’auto droite. Les enchainements suivants me montrent combien il est difficile de dessiner des trajectoires propres, sans se concentrer un minimum au volant et la moindre erreur risque de se solder par une sortie !
J’arrive sur la trop courte ligne droite, et dès que les roues avant sont bien en ligne, j’écrase l’accélérateur. Ma peur initiale fait vite place à un sentiment de jouissance, tant l’accélération est incroyable ! Quel que soit le rapport, dès les plus bas régimes, vous êtes catapulté en avant instantanément. Un mélange de couple de V8 « Big Block », avec la furie d’un V12 Lamborghini à haut régime, mais le tout sans les vociférations habituelles. J’ai à peine le temps de passer la quatrième, que le virage suivant me saute au visage. Petit moment de panique, je me vois blêmir. Je saute sur les freins, j’ai l’impression de rentrer dans la courbe trop vite. Mais ca passe pourtant sans problèmes.
Au bout de quelques tours de piste, le plaisir a fini par vaincre mes appréhensions initiales. Ma vitesse de passage est bien supérieure, ma conduite plus coulée et souple, aidée en cela par la grande finesse de la direction. J’ai fini par comprendre que tant que l’on évite les erreurs grossières, telles qu’un lever de pied brutal en appui, ou une accélération trop forte, la GT2 RS se laisse mener sans difficulté. Elle fait même preuve d'une docilité étonnante, et l'adhérence de son train avant, et, plus étonnant encore, de ses roues arrière, en dépit de la piste humide, a vite finit par me rassurer. Sans oublier les freins, dont une quinzaine de tours n'ont en rien affecté l'efficacité. Encore plus que pour les autres Porsche, la mise au point de la GT2 RS a été peaufinée par les ingénieurs et les pilotes de Stuttgart, qui ont du tourner inlassablement sur les pistes de Weissach et sur le Ring, en essayant de multiples combinaisons de réglages et de pneumatiques.
Bien entendu, il est hors de question de lâcher un néophyte sur le Ring un jour de pluie, PSM débranché, dans une telle auto. La sanction serait immédiate, car je ne m‘estime pas capable d’aller chercher la limite sur une Porsche d’un tel calibre. Avec une telle puissance, la vitesse de décrochage est forcément très élevée, et donc la brutalité de la perte de contrôle aussi, ce qui nécessite des réflexes de pilote professionnel pour avoir le moindre espoir de la rattraper.
A piloter avec circonspection, donc, mais avec beaucoup de plaisir et d’émotion. L’adrénaline, sans doute…
Charles Paxson
V12 GT
L'émotion automobile
Photographe : Ghislain Balemboy